Aucune instance du classement mondial n'a jamais permis d'élire officiellement la meilleure joueuse de tous les temps. Les fédérations, les experts et les statistiques multiplient les critères, parfois incompatibles, pour départager les championnes. Les palmarès individuels, les records de longévité et les révolutions techniques dessinent des trajectoires opposées.
Certaines icônes ont dominé sans interruption, d'autres ont bouleversé l'histoire du jeu en un éclair. Les débats persistent, alimentés par des exploits hors normes, des contextes inégaux et des avancées majeures dans le sport féminin.
Le tennis féminin, une épopée de conquêtes et d'émancipation
Le tennis féminin n'a pas seulement façonné un sport, il s'est érigé comme levier d'émancipation. Dès ses premiers pas sur les pelouses de Wimbledon ou la terre battue de Roland-Garros, des pionnières ont brisé plus que des records : elles ont fissuré les carcans sociaux. Suzanne Lenglen, figure révolutionnaire des années 1920, impose un jeu aérien et un panache inédit, empilant 24 titres du Grand Chelem à une époque où la reconnaissance des femmes sur les courts restait embryonnaire.
La marche vers l'équité s'est poursuivie. Althea Gibson est entrée dans l'histoire comme première joueuse noire à triompher à Wimbledon. Quelques années plus tard, Billie Jean King ne se contente pas de remporter des trophées : elle s'illustre dans la « Bataille des sexes » et s'engage pour transformer le statut des joueuses. En 1973, la Women's Tennis Association (WTA) voit le jour, marquant la structuration et l'affirmation d'un circuit féminin professionnel.
Les grandes scènes du US Open, Open d'Australie, Roland-Garros, Wimbledon deviennent alors des terrains d'expression, de talent et d'influence. Les championnes s'affirment par leur force de caractère et leur capacité à inspirer bien au-delà du jeu. La WTA façonne aujourd'hui un environnement où performance et engagement social avancent de pair. Le tennis féminin, c'est un terrain d'expérimentation, de conquête et de transmission.
Quelles joueuses ont véritablement marqué l'histoire du tennis féminin ?
La notion de meilleure joueuse de tennis ne peut se réduire à une addition de trophées. Chaque époque a vu émerger ses reines, ses caractères et ses révolutions. Margaret Court détient toujours le record absolu de titres du Grand Chelem en simple (24), sommet que personne n'a encore franchi. Serena Williams, impératrice de l'ère moderne, s'en approche à une marche près (23 titres), affrontant une concurrence plus dense et imprévisible que jamais.
Pour mieux cerner cette diversité, arrêtons-nous sur quelques profils qui ont bousculé la hiérarchie :
- Martina Navratilova : 59 titres du Grand Chelem toutes catégories confondues, une longévité et une révolution tactique qui ont redéfini le jeu.
- Steffi Graf : 22 titres majeurs et seule auteure du Golden Slam (les quatre Chelems et l'or olympique en 1988), preuve d'une domination totale sur toutes les surfaces.
- Chris Evert : 18 titres du Grand Chelem, dont 7 à Roland-Garros, une régularité redoutable et des duels mythiques avec Navratilova.
- Billie Jean King : 39 titres du Grand Chelem, pionnière de l'égalité, son influence rayonne bien au-delà des courts.
La dernière décennie a vu émerger des talents comme Justine Henin (7 titres), Naomi Osaka (4 titres), ou Iga Świątek, visage d'une nouvelle génération, précoce et redoutable sur la terre battue. Les sœurs Venus et Serena Williams ont, ensemble, récolté 14 titres majeurs en double dames, ajoutant à leur palmarès une dimension fraternelle unique. D'une décennie à l'autre, la légende se nourrit de records, de rivalités explosives et d'héritages puissants.
Portraits croisés : de Suzanne Lenglen à Serena Williams, des destins hors du commun
Avec Suzanne Lenglen, tout commence par un souffle de liberté. Icône des années folles, elle impose sa présence et son jeu, libérant le tennis féminin des codes rigides. Six titres à Wimbledon, des victoires à Roland-Garros, et un nom gravé à jamais sur les murs du stade parisien.
Le parcours de Billie Jean King s'inscrit dans le combat. Sur le terrain, ses 39 titres du Grand Chelem forcent le respect. Mais c'est en dehors des lignes qu'elle marque l'histoire, avec son engagement pour l'égalité lors de la fameuse « Bataille des sexes » contre Bobby Riggs, puis comme actrice-clé de la Women's Tennis Association.
Les années 80, quant à elles, s'enflamment grâce à la rivalité Chris Evert / Martina Navratilova. Quatre-vingt affrontements, une tension rare, deux visions du jeu qui s'opposent et se répondent. Evert, la constance chirurgicale ; Navratilova, la puissance et l'innovation. Leur duel hisse le tennis féminin vers de nouveaux sommets.
Arrivent ensuite Steffi Graf et Monica Seles, qui repoussent les frontières. Graf réussit le Golden Slam en 1988, Seles bouscule la hiérarchie jusqu'au drame qui bouleverse sa carrière. Leurs rencontres restent gravées, oscillant entre domination et tragédie.
Dans l'ombre, puis en pleine lumière, Venus et Serena Williams redessinent les contours du possible. Guidées par Richard Williams, elles s'imposent, collectionnent les trophées et bousculent la hiérarchie. Serena, avec 23 titres majeurs, incarne une génération, s'engage et déplace les lignes bien au-delà du sport.
Records, anecdotes et héritages : ce que les légendes ont légué au sport et à la société
Sur le plan des chiffres, Margaret Court tient la barre avec ses 24 titres du Grand Chelem en simple. Ce sommet, toujours intact, continue d'alimenter la discussion sur la notion de suprématie. Steffi Graf, elle, a marqué un tournant en réalisant le Golden Slam en 1988 : quatre Chelems et l'or olympique, un exploit inégalé à ce jour. Le tennis féminin s'est aussi écrit dans le tumulte des rivalités, des blessures marquantes et des retours héroïques. L'agression subie par Monica Seles en plein match a figé une génération, rappelant la fragilité des carrières.
Mais les chiffres ne disent pas tout. Billie Jean King a changé la donne en dehors des courts : combat pour l'égalité de rémunération, victoire lors de la « Bataille des sexes » contre Bobby Riggs, avancées majeures pour la professionnalisation et le respect des joueuses. Plus récemment, Serena Williams a ouvert le débat sur de nouveaux fronts : soutien à Black Lives Matter, lutte pour l'égalité et la maternité, influence qui déborde largement du cadre sportif. Naomi Osaka a, de son côté, placé la santé mentale au cœur des préoccupations, incitant les instances à réévaluer leurs pratiques.
Derrière chaque record, une trace sur la société. L'éternelle question de la GOAT, la plus grande joueuse de tous les temps, divise les amateurs : domination de Serena Williams, longévité de Martina Navratilova, polyvalence de Steffi Graf. Mais l'héritage, lui, reste incontestable, forgé par des femmes capables de bousculer les frontières du sport et de la société. Le débat reste ouvert, et c'est bien ce qui fait la force du tennis féminin : provoquer, inspirer, et ne jamais cesser de surprendre.


